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Juridique

Vente immobilière et immeubles par destination

Le 17 Mai 2022
Vente immobilière et immeubles par destination

Dans le cadre d'une vente immobilière, un bien peut contenir du mobilier scellé ou non, mais qui en raison de sa nature pourrait, s'il était détaché, être détérioré et/ou, détériorer l'immeuble. Sans ce mobilier, l'immeuble se trouverait dénaturé. Les biens meubles deviennent donc dans ce cas des immeubles par destination.

Dans les maisons de caractère et d'époque, les immeubles par destination peuvent être des ornements, des poignées de porte, des miroirs scellés entourés de boiseries, des boiseries seules, des manteaux de cheminées, des lampes ou encore des landiers… Ils doivent êtres laissés par les propriétaires au moment de la vente, surtout si le charme et le produit de la vente s'en trouvent augmentés par leurs présences. Dans les maisons plus actuelles, les immeubles par destination correspondent, par exemple, à une cuisine équipée ou à un dressing sur mesure.

En l'espèce, un couple se porte acquéreur d'un manoir du XVIème Siècle, situé en Normandie, comportant boiseries, portes d'époque, lampes, landiers et autres biens meubles attachés à l'immeuble, lui donnant tout son caractère d'antan. La vente s'effectue sans intermédiaire et directement de particulier à particulier, via une petite annonce passée dans la presse.

La promesse de vente se signe sans difficulté. Le notaire instruit le dossier et procède à la vente.

Les deux parties effectuent une dernière visite du bien la veille du rendez-vous de signature. Celle-ci se passe très bien, et le lendemain, les acquéreurs se montrent même ravis de procéder à la réitération de la vente.

A peine une heure après le rendez-vous, les acquéreurs contactent l'étude notariale, affolés.

L'ensemble des boiseries, lampes et autres ornements ont disparus. Les portes d'époque ont été ôtées et remplacées par des portes actuelles et basiques sans aucun rapport avec l'immeuble. Les acquéreurs demandent au notaire de se déplacer en l'immeuble. Il constate effectivement, à son arrivée, que l'immeuble, à l'extérieur correspond bien à la description faite par les acquéreurs lors des rendez-vous, mais à l'intérieur, il n'a plus rien à voir avec un manoir du XVIème Siècle.

Tous les éléments et le mobilier d'époque ont été retirés lors du rendez-vous de signature.

Or, le mobilier était attaché à la chose, il aurait donc dû être vendu avec l'immeuble en tant qu'immeuble par destination.

Le notaire quitte les acquéreurs sur ce constat et tente de joindre les vendeurs. Après plusieurs appels et messages, les vendeurs ne décrochent pas et ne rappellent pas le notaire. Ils ne répondent d’ailleurs plus à ses diverses sollicitations.

Le notaire assiste alors les acquéreurs dans la recherche d'un avocat, mais il est sceptique car le dossier est mince. L'annonce étant parue dans la presse, peu de photos la complètent et les acquéreurs n'en possèdent pas d'autres.

Les quelques photos de l'extérieur et de l'intérieur, qui sont très sombres, ne permettent donc pas au juge de vérifier l'état du manoir au moment de la vente.

Aussi, le tribunal ne peut donner satisfaction aux acquéreurs, faute de preuve.

Le notaire, qui suit l'affaire de loin, continue de s'intéresser à la situation de ces acquéreurs. Il l'évoque par ailleurs avec ses collaborateurs et se demande s'il n'existerait pas une possibilité de retrouver des photos d'une telle demeure. Les manoirs de cette qualité existent dans la région mais sont peu nombreux.

L'une de ses collaboratrices se souvient alors que ledit manoir a fait l'objet d'un reportage avec de nombreuses photos et notamment de l'intérieur, cela pourrait bien servir de preuve aux acquéreurs.

L'intégralité du reportage est transmise à leur avocat qui, même si une partie des biens a déjà dû être revendue au plus offrant dans différentes brocantes des alentours, obtient gain de cause en appel.

Depuis quelques années les actes notariés ont été étayés afin que cette situation ne puisse se reproduire.

D'ailleurs les clausiers fournis au notaire (via les logiciels de rédaction d'acte ou même les revues juridiques) ont tous intégré diverses clauses sur les immeubles par destination, puisque malheureusement, cette situation n'est pas un cas unique.

Aujourd'hui, il est même conseillé d'aborder la question des végétaux et de vérifier qu'ils seront bien conservés en l'état au moment de la vente. Certains vendeurs en venaient à retirer rosiers, arbres ou autres végétaux sous prétexte qu'ils les avaient plantés, au risque de dégrader le terrain.

Or, on ne peut retirer les végétaux ou les immeubles par destination. Lorsqu'on vend sa propriété, on en vend l'intégralité. Le prix estimé puis convenu entre les parties comprend l'ensemble de ces éléments.

 

Désormais, lorsqu'un notaire reçoit les parties prenantes à une vente, il doit, au moment de l'instruction du dossier et de la construction de l'acte de vérifier l'ensemble des éléments de l'acte de vente y compris tout le mobilier pouvant rester dans l'immeuble, attachés à la chose vendue, les immeubles par destination et les végétaux, et vérifier la bonne intégration des clauses prévues à cet effet.

 



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