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Juridique

Le testament audiovisuel et numérique

Le 29 Septembre 2022
Le testament audiovisuel et numérique

Face aux évolutions de la société et des différentes technologies, les notaires ont adapté la réception et la rédaction des actes, et sont en phase d'atteindre le "tout numérique".

 

Ainsi, ils peuvent désormais recourir, notamment, à la procuration notariée à distance, à la réception de tout acte authentique électronique et à leur sauvegarde au Minutier central Electronique des Notaires de France (MICEN), ce qui permet une gestion totalement dématérialisée des actes notariés courants. Il en est de même des formalités, envoyées entre autres par flux aux différents intervenants extérieurs au dossier, tels que les mairies, via COMEDEC, etc.

 

Un acte reste délicat à traiter lorsqu'on évoque la dématérialisation et le recours au support numérique : le testament.

 

Le testament sur support numérique dit testament "numérique"

Tous types d'actes authentiques peuvent normalement être établis sur support électronique à l'exception des testaments authentiques, pour des raisons qui tiennent plus à la technique qu'à l'application de la règle de droit, puisque juridiquement il est tout à fait valide.

 

Le testament authentique doit être signé par deux notaires ou par un notaire accompagné de deux témoins pour qu'il soit valide.

A ce jour, il n'existe aucun procédé technique permettant à deux notaires de signer le même acte avec leurs clés Real respectives et ainsi permettre une signature qualifiée sur le même acte par deux notaires différents.

 

Le cas du dépôt de testament olographe est également délicat, car le testament doit être écrit, signé et daté de la main du testateur, conformément aux dispositions de l'article 970 du Code civil. L'écrit manuscrit est donc une condition de validité, et ce afin de limiter les falsifications, prévenir le risque d'erreur dans la rédaction et garantir une réflexion approfondie de la part du testateur. Il permet ainsi d'attester de la volonté du testateur, de le situer dans le temps et de vérifier sa capacité. La signature permet, quant à elle, d'identifier le testateur et de constater qu'il a validé le contenu de l'acte.

Cela suppose donc que toute rédaction numérique ou dactylographiée est à proscrire, ce qui peut apparaître comme désuet face à une génération qui délaisse de plus en plus le papier et le stylo.

 

Pourtant, grâce aux nouvelles technologies, tous les obstacles envisagés peuvent être levés et on obtiendrait même des testaments plus fiables. En effet, écrire via un logiciel de traitement de texte permet d'éviter ratures et imperfections, écriture illisible, ou phrases mal formulées qui peuvent rendre le testament incompréhensible.

Afin de répondre à l'exigence de l'écriture manuscrite, il pourrait être envisagé un testament olographe rédigé à la main sur une tablette électronique munie d'un écran et d'un stylet, qui retranscrirait électroniquement le manuscrit.

Sa conservation pourrait également être dématérialisée en stockant le fichier contenant le testament, sur une blockchain. Son accès, en vue de modifier, compléter retirer ou révéler l'acte au décès, ne pourrait alors se faire que via le notaire ayant effectué le dépôt ou qui aurait la charge de la succession.

 

La forme dématérialisée apparait d'ailleurs plus protectrice que la forme papier et garantirait le respect des dispositions de l'article 1366 du Code civil, puisqu'elle peut permettre de certifier l'identité du signataire et ne présente aucun risque de perte.

Cette forme permet également au testateur de prendre conscience du véritable contenu du testament et de s'assurer qu'il exprime au mieux ses volontés. Il conviendra de s'assurer que le testament est bien écrit par le testateur et qu'il ne consiste pas en un "copier-coller" d'un modèle.

 

Enfin, le dépôt numérique du testament olographe fait également face à de nombreux doutes qui peuvent être levés.

 

Tout d'abord, bien que l'article 1007 du Code civil prévoit la conservation au rang des minutes du dépositaire du testament ainsi que du procès-verbal de l’ouverture et de l’état du testament, il n'y est pas précisé si l'objet de la conservation est l'original. Bien au contraire, la réforme de 2016 et le nouvel article 1379 du Code civil posent le principe selon lequel la copie fiable a la même force que l’original, par exemple une copie authentique numérisée contenant le sceau du notaire apposé via le support électronique. Ce type de copie et de dépôt n'empêche pas de prouver l'existence du testament original et donc son contenu, notamment en cas de contestation. Il sera toujours possible de présenter l'original du testament afin de réaliser des analyses graphologiques.

 

Le testament audiovisuel

 

Une solution envisagée et proposée par certains notaires serait le testament audiovisuel : il s'agirait pour le testateur de se filmer par tout moyen pour retranscrire ces dernières volontés.

Il ne serait bien évidemment autorisé que dans le cadre de circonstances exceptionnelles, telles qu'une guerre ou un attentat par exemple.

En effet, la spontanéité du testateur au moment de l'évènement exceptionnel qui peut mettre en péril sa vie, laisse peu de doutes sur la sincérité, la véracité et l'identité du testateur. Il y a rarement, dans ces circonstances de mensonges qui surviennent, ou une volonté d'arrangement de la part de l'auteur.

Sorti de ce contexte, les difficultés de validité de l'enregistrement audiovisuel ou la question des volontés réelles de son auteur peuvent se poser.

 

Le rôle du notaire ne serait pas différent des autres types de testament. En revanche, il faudra relater dans l'acte les conditions dans lesquelles le film a été remis, c'est-à-dire la circonstance exceptionnelle, avant de viser l'article du Code civil et de retranscrire littéralement le testament.

On peut également y associer un commissaire de justice (huissier), afin qu'il établisse un constat ou un exploit d'huissier accompagné du film et/ou de la vidéo. L'enregistrement audiovisuel s'en trouve ainsi sanctuarisé, par suite, le notaire peut procéder au dépôt notarié en le retranscrivant à l'acte.

 

Certains regrettent qu'on se limite au caractère exceptionnel, mais il est à ce jour difficile d'accepter tout type de vidéo, film ou même message, enregistrée dans toutes circonstances. Rien ne garantit ni ne certifie que les notes retrouvées sur un smartphone relatent les réelles volontés du testateur, et non les volontés voulues à un moment donné, et/ou que celui qui parle dans l'enregistrement audiovisuel, soit bien le testateur et auteur de l'enregistrement.

 

A ce jour, on peut, cependant, envisager de tester via la voie numérique par deux procédés que rien n'interdit :

  • le testament authentique avec comparution à distance : la personne qui voudra tester est chez elle en visioconférence et dicte ses volontés au notaire, qui établir dans le même temps l'acte authentique. Tout risque de défaut de validité est écarté.
  • l'enregistrement contenu sur un support numérique : la personne énoncera ses dernières volontés via un enregistrement audio ou audiovisuel, et devra placer l'enregistrement sur un support de type clé USB et le remettra à son notaire dans une enveloppe cachetée et scellée. Le notaire procèdera ensuite aux même formalités qu'un testament olographe. On est certain que l'enregistrement sera conservé, tout comme un testament olographe, puisque remis et enregistré par les soins du notaire, mais reste la question du format "toujours lisible ou visionnable" au moment du décès.


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