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Juridique

LE RECEL SUCCESSORAL

Le 18 Avril 2024
LE RECEL SUCCESSORAL

LE RECEL SUCCESSORAL

 

Le recel successoral ne trouve pas sa définition dans le Code Civil, mais dans la jurisprudence qui le définit comme tout acte, comportement ou procédé volontaire par lequel un héritier d'une succession, tente de s'approprier une part supérieure à celle qui doit lui revenir, et rompt ainsi l'égalité dans le partage successoral.

Or, l'article 826 du Code civil pose la règle impérative du principe de l'égalité dans le partage entre les héritiers lors des opérations de compte, liquidation et partage d'une succession, sera donc sanctionné tout acte visant à rompre cette égalité.

 

             L'acte de recel successoral est réprimé aux articles 778 et 730-5 du Code civil.

 

Plusieurs vérifications à faire

 

En présence de relations conflictuelles entre héritiers et de soupçons de recel successoral de la part d'un des héritiers à l'encontre d'un autre, il conviendra pour le notaire de procéder à différentes vérifications, plus poussées qu'à l'accoutumée, afin de déterminer s'il est en présence ou non d'un recel successoral et si une action doit être diligentée.

Pour cela, à l'ouverture de la succession, les questions classiques devront être posées impérativement et devront être élargies en présence de l'héritier présumé victime, afin de receuillir le maximum d'éléments, du type :

 

- Un notaire est-il déjà en charge de la succession à titre amiable (ouverture volontaire par un des héritier), ou en vertu d'un jugement ordonnant les opérations de compte, liquidation et partage de la succession?

- est-ce que des actes ont déjà été rédigés, si oui par quel notaire?

- une déclaration de succession a-t-elle déjà été établie auprès de l'administration fiscale?

- Quel héritier aurait commis l'acte de recel? A quelle date?

- De quel type de détournement s'agirait-il? (Dissimulation de donation, de mobiliers ou bijoux, fausse cession, …)

- Quels sont les éléments concrets ou de preuve dont dispose l'héritier pour étayer ses soupçons?

- Enfin, l'héritier est-il prêt à engager une action en justice contre un ou des membres de sa famille?

Toutes ces investigations doivent être faites auprès de l'héritier supposé lésé qui doit aider le notaire dans ces démarches, la charge de la preuve incombant à l'héritier lésé.

 

Plusieurs critères à prendre en compte

 

Afin de déterminer si les faits rapportés sont constitutifs d'un recel successoral, plusieurs critères sont à prendre en compte par le notaire :

 

1/ Seul un héritier peut être auteur d'un recel successoral, tout comme seul un héritier peut en être victime.

Il faudra donc vérifier la qualité d'héritier de l'auteur présumé et de la victime, c'est-à-dire être soit héritier légal (descendants ou conjoint survivant), soit légataire universel ou à titre universel.

Sont donc exclus les donataires et les légataires à titre particulier, puisqu'ils ne prennent pas part à la succession.

 

2/ Seul un héritier ayant accepté la succession peut invoquer le recel. De fait, le notaire devra s'assurer que le client l'a bien acceptée.

 

3/ L'héritier recéleur doit avoir une intention frauduleuse et donc agir sciemment avec l'intention d'accaparer une partie du patrimoine successoral au détriment et à l'insu des autres héritiers.

4/ Il n'existe pas de définition du recel, car n'importe quel moyen employé pour détourner une partie ou la totalité de l'actif successoral peut constituer un recel.

 

De fait, cela peut résulter d'un seul comportement tout comme une multiplicité de comportements.

 

La jurisprudence regorge d'exemples de recel tels que :

- La dissimulation d'un héritier (Cass. 1ère civ., 20 septembre 2006)

- La dissimulation de bons au porteur par un héritier appartenant à la défunte, pour ensuite prétendre qu'il s'agit d'une donation faite à son profit (Cass. 1ère civ., 19 juillet 1989)

- La production d'un faux testament (Cass. 1ère civ., 15 avril 1890)

- La réticence d'un héritier donataire à fournir les renseignements demandés par le notaire et les autres héritiers (Cass. 1ère civ., 31 octobre 2007)

- le fait de soustraire une partie du mobilier ou de le vendre sans en prévenir les autres héritiers.

 

Plusieurs actions possibles

 

En réalité, peu importe le moyen utilisé pour détourner une partie de l'actif successoral, dès l'instant où le praticien arrive à démontrer que des actes frauduleux ont conduit à la rupture de l'égalité dans le partage entre les héritiers. Si les conditions énoncées précédemment sont réunies, le recel sera constitué, et une action en justice pourra être envisagée.

 

Il sera possible de mener plusieurs actions en même temps :

- l'action en partage judiciaire de l'indivision successorale

- l'action en recel successoral

- l’action pénale : Le recel successoral peut également constitué un fait de vol, d'escroquerie ou de faux et usage de faux, entrainant la possibilité d'engager des poursuites pénales.

 

Selon l'article 778 du Code civil, l'héritier reconnu coupable de recel est privé de plein droit de sa faculté d'option, il est réputé avoir accepté purement et simplement la succession, même si elle est déficitaire. De plus, il sera privé de tout droit sur les biens recélés.

L'héritier recéleur pourra à la fois faire l'objet d'une condamnation et donc se voir appliquer les peines afférentes, mais pourra également se voir contraint par le tribunal de verser aux héritiers victimes, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Dans le même temps, le tribunal pourra ordonner le partage judiciaire de la succession, afin de mettre fin à la mésentente existante entre les héritiers.

 

A contrario, si l'héritier est reconnu non coupable de recel, les héritiers demandeurs devront payer une somme indemnitaire au défendeur, et si ce dernier parvient à démontrer que cette action lui a causé un préjudice autre que les dépenses liées aux frais de procédure, alors il pourrait obtenir des dommages-intérêts en réparation de ce préjudice.

Il conserve bien évidemment sa faculté d'option et ses droits sur l'intégralité du patrimoine successoral.

Ce type de litige relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le dernier domicile du défunt.

Le litige doit avoir fait l'objet d'une tentative de règlement amiable, le notaire devra donc préciser dans l'acte introductif d'instance, les diligences accomplies pour tenter de résoudre amiablement le litige entre les héritiers. En pratique, des échanges de courrier et une mise en demeure restée sans réponse, suffisent à justifier d'une tentative d'accord amiable.

 

Enfin, il est important de préciser que pour toute demande d'action en recel successoral, le partage de la succession ne doit pas encore avoir eu lieu.

Le rapport d'une donation ou la non-mention de biens sont liés au partage de la succession.

Il est donc essentiel d'engager la procédure de recel successoral avant que la succession n'ait fait l'objet d'un partage.

 



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